MÉMORIAL DE CAEN

MÉMORIAL DE CAEN

Le Mémorial, un musée pour la paix

Mis en valeur par les célébrations du cinquantenaire du Débarquement, le Mémorial de Caen – devant lequel eut lieu le spectacle de clôture de la journée du 6 juin 1994 Au nom de tous les hommes – entend être un lieu de mémoire et d’enseignement, un centre de réflexion sur les risques de conflits mondiaux, mais aussi un pôle touristique de la Normandie.

Avec plus de 600 000 visiteurs en 1994, dont 35 p. 100 d’étrangers, le Mémorial, éditeur ou coéditeur de quarante-cinq livres depuis sa création, fait de Caen le haut lieu commémoratif du Débarquement. C’est d’ailleurs dans cette perspective que la ville, aux trois quarts détruite lors d’un siège de quarante jours, en juin-juillet 1944, avait été l’investisseur principal du projet. Son coût global (112 millions de francs) fut réparti entre les budgets de la municipalité caennaise, du département du Calvados, de la région Basse-Normandie et de l’État. Trois banques figurent au capital du Mémorial ainsi que Moulinex, Promodès S.A., la chambre de commerce et d’industrie du Calvados et six organismes axés sur le tourisme, dont Brittany Ferries et Tourisme Verney. Société d’économie mixte locale, dont la ville détient 52 p. 100 du capital de 7,85 millions de francs, le Mémorial tient plus du tiers de son budget d’une dotation annuelle municipale de 13 millions de francs, dont 5 pour ses activités culturelles et scientifiques et 3 pour sa politique de communication, qui a été couronnée, dès 1993, par le deuxième prix mondial de la British Guild of Travel Writers.

Doté d’une médiathèque riche de plus de 8 000 ouvrages, de 15 000 photos et de 400 heures de films, le Mémorial de Caen dispose d’un service d’archives et de documentation où 200 heures de témoignages oraux sont stockés. Il a créé un département pédagogique qui a informé plus de 4 000 enseignants et mis au point des questionnaires de découvertes pour les élèves visiteurs (près de 500 000 en sept ans). Ce service, assuré par quatre personnes, dont deux détachées de l’enseignement public, est associé à une unité de valeur “Seconde Guerre mondiale” de l’université de Caen et bénéficie d’un soutien spécifique de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale. Il a assuré aussi une formation pour deux cents journalistes du groupe Ouest-France et divers responsables de groupes touristiques.

Les 9 500 mètres carrés du Mémorial ont pour première vocation d’être un musée. La scénographie se développe en sept séquences où s’exposent d’abord “la faillite de la paix” entre 1918 et 1939; “la France des années noires”, entre collaboration et résistance; “le Génocide”. Après ces espaces, délibérément peu éclairés, les visiteurs parcourent trois zones lumineuses consacrées aux séquences “guerre mondiale, guerre totale”, “le jour J”, “de la bataille de Normandie à la fin de la guerre”. L’emploi de cartes animées et de tableaux lumineux est général, mais c’est à l’évocation du jour J que sont réservés deux écrans géants sur lesquels sont projetés, en doubles images, des films d’archives et de fiction. Le parcours s’achève dans une salle de projection où le film Espérance définit la paix comme “un appel, un espoir, un défi quotidien”. La galerie des Prix Nobel de la paix rappelle les noms des lauréats depuis 1901, et évoque leurs actions afin de susciter des prises de conscience individuelles et le sens de la responsabilité collective.

Le Mémorial, dont la première pierre fut posée par Jacques Chirac alors qu’il était Premier ministre, fut inauguré le 6 juin 1988 par le président de la République. Construit au-dessus d’un ancien poste de commandement allemand, il se prolonge par 23 hectares de créations florales dédiées à la paix. Ces floralies complètent le Jardin mémorial des forces armées américaines, où un mur de la Liberté doit porter le nom de tous les soldats américains qui ont combattu pendant le dernier conflit mondial. Le Jardin canadien du souvenir s’est ajouté à cet ensemble: il comporte quatre stèles où sont gravés les noms de toutes les unités canadiennes engagées dans la bataille de Normandie et des bancs de pierre portant les noms des cent dix-neuf communes normandes où elles ont combattu.

Avec M. Girault, sénateur-maire de Caen, les promoteurs du Mémorial voulaient combiner en un seul lieu art, mémoire et savoir. Ils continuent de mettre l’accent sur “la mémoire et l’émotion” en assurant la communication, la commercialisation et la gestion de trois sites historiques: celui de Pegasus Bridge, à Bénouville, avec un spectacle son et lumière; celui de Douvres-la-Délivrande, où une station radar a été reconstituée; celui des batteries allemandes de Longues-sur-Mer, où un bus aménagé fait comprendre ce que fut, pour le III^e Reich, la forteresse Europe et son mur de l’Atlantique. Les 5 000 pièces du service des collections illustrent la vie quotidienne en temps de guerre comme les développements technologiques avec les matériels de radio et les machines à chiffrer. Le radar Würzburg Riese restauré, les orgues de Staline reconstituées – modèle 1943 de camion lance-fusées – font partie des objets de mémoire qui attirent le public.

La médiatisation du Mémorial se fait aussi par l’organisation de courses à pied: la Pegasus Trophée Fred Lebow, le Relais pour la paix, les Foulées en liberté et le Marathon de la liberté, épreuve qualificative pour les championnats de France, disputée entre Courseulles-sur-Mer et le Mémorial, qui a rassemblé plus de 5 600 athlètes en 1994. Les services du musée ont aussi édité la cassette audio dans laquelle Pierre Bellemare raconte l’histoire des grands sites du débarquement, ces derniers étant identifiés sur huit parcours de 75 à 200 kilomètres.

Avec ses comités de soutien aux États-Unis (55 000 membres), au Canada et en Grande-Bretagne, avec son Normandy Scholar Program pour la formation d’étudiants américains, comme avec ses rencontres internationales sur le devenir de l’Afrique ou l’action humanitaire, le Mémorial se veut bien plus qu’un musée d’histoire. Espace éducatif, il dispose aussi d’une boutique de cadeaux, d’un restaurant, d’un bar et d’un jardin d’enfants qui lui ont permis d’obtenir, dès 1991, une mention d’excellence au concours du meilleur accueil qu’organisaient les ministères de la Culture et du Tourisme.

Se voulant centre culturel international, le Mémorial de Caen entend organiser chaque année un colloque international d’historiens et un concours international de plaidoiries mettant en compétition douze avocats sur un sujet illustrant un cas concret de violation des droits de l’homme. Selon son directeur général, l’institution doit continuer à informer, enseigner et faire réfléchir, en modifiant légèrement sa trajectoire pour “devenir un réel observatoire de la paix”. Dans cette double perspective de la commémoration des luttes pour la liberté des hommes et du rejet des idéologies destructrices, le Mémorial a bien vocation, comme l’avait dit François Mitterrand, à rester “un acte de vigilance, de confiance et d’espérance”.

Encyclopédie Universelle. 2012.